Séance parlementaire portant désignation d'un juge à la Cour Suprême

Lezingham : Monsieur le député Müller, la démission du duc de Silverstein de la Cour Suprême est due à l'incompatibilité entre les charges de juge suprême et de député que je lui ai demandé d'assumer en raison de son expérience et de sa connaissance des arcanes de cette honorable institution afin d'en conduire ses débats. Par ailleurs, cette démission ne trouble en rien le renouvellement par tiers de l'instance suprême puisque le juge que nous allons nommer poursuivra le mandat du Duc de Silverstein. Messieurs les députés, selon l'article 37 de la Constitution, la Cour Suprême statue par voie d’arrêt sur la constitutionnalité des lois et est compétente pour l’interprétation de la Constitution. Si la constitutionalité relève de l'application des textes, l'interprétation de la Constitution est toute autre. La majorité considère que la pluralité des opinions est profitable à l'interprétation Constitutionnelle. Elle met en garde contre une instance suprême qui serait entièrement conservatrice ou entièrement libérale. Ce qui serait le cas si L'Honorable Franz Unterwald, en dépit de ses éminentes qualités de juristes, étaient élus. Par conséquent, la majorité maintient la candidature de L'Honorable Eduard Weiss au siège de juge suprême.

Müller : Nous ne remettons nullement en cause les compétences du Duc de Silverstein qui est un homme politique avisé et qui saura sans nul doute être à la hauteur du travail qui l'attends. Pour le reste, nous prenons note des considérations de la majorité quant à la Cour Suprême. Toutefois, la vision binaire du gouvernement sur l'organisation du monde, qui ne peut être que libéral ou conservateur est assez dérangeante. Franz Unterwald est, pour informer ceux qui l'ignorent, docteur en droit public et professeur de droit public et de droit constitutionnel à l'Université de Wilhelstaufen. Il nous a semblé intéressant de mettre en avant un tel profil pour occuper un siège dans cette noble institution qu'est la Cour Suprême. La question de savoir si le juge sera plutôt libéral ou conservateur nous importe peu puisque la Cour Suprême n'est pas un organe politique mais un organe contrôlaire et donc indépendant. Nous maintenons donc la candidature du député Unterwald.


La situation était bloquée. Il manquait 26 voix au gouvernement pour imposer son candidat et 76 aux libéraux pour imposer le leur. Müller exultait, pour une fois, la démocratie zollernoise ne se bornait pas a une simple confrontation de nombre de députés, il allait falloir négocier pour qu'un camps ait le dessus. Il attendait donc que le Premier Ministre, un homme connu pour sa faiblesse, vint solliciter une rencontre pour négocier. Tout est possible, tout est envisageable, mais surtout tout à un prix.

Lezingham : Monsieur Weiss, homme de loi naguère, n'en est pas moins juriste compétent. Il n'y a pas dans mon propos Monsieur Muller une vision binaire de la réalité mais le souci du débat qui doit présider à toute décision de justice. La Cour Suprême a toujours ménagé en son sein des vues divergentes, elles font partis de son fonctionnement et je convoque à votre souvenir d'étudiant les opinions dissidentes publiées naguère. Imposer un candidat libéral c'est prendre le risque de faire perdre à cette instance ce qui en fait sa force : la diversité de ses opinions. Je regrette que cette vue ne soit pas partagée. Le gouvernement regrette une situation de blocage qu'il ne veut pas et ne souhaite pas. J'en appelle à la responsabilité des députés de l'Opposition afin qu'ils renoncent à mettre en péril l'équilibre de la justice. Sans quoi, le gouvernement prendra ses responsabilités en faisant acter l'indisponibilité de la Cour Suprême au regard de l'article 3 de la loi organique portant organisation de ladite Cour et fondée sur le fait qu'elle n'est plus en capacité de trancher en cas de divergence de vue entre ses membres.

Müller : L'Opposition Loyale déplore la tentative à peine dissimulée du Gouvernement de faire pression sur elle pour la contraindre à renoncer à son droit de présenter un candidat à la Cour Suprême. Si les Libéraux ne sont plus majoritaires à la Chambre, il n'en reste pas moins qu'il y a encore quelques mois quand c'était le cas, le PLZ n'a jamais remis en cause les droits de l'Opposition. Si nous prenons acte de vos arguments Monsieur le Premier Ministre, l'Opposition ne les considère pas comme allant de soi. Vous souhaitez exporter le clivage politique à la Cour Suprême ce à quoi l'Opposition se refuse.
Par ailleurs, Monsieur le Premier Ministre, l'article 3 de la loi du 8 septembre 2015 ne dispose en rien de l'indisponibilité de la Cour Suprême, ni du droit pour le Gouvernement d'acter quoi que ce soit sur la question mais détaille la composition de la Cour. En tout état de cause, le Parlement peut pourvoir le siège vacant. Mais l'Opposition Loyale n'a aucune raison, en l'état actuel des choses, de se sentir obligée d'appuyer une candidature dans laquelle elle ne se reconnait pas sans autres garanties que des allégations sur de prétendues menace sur l'équilibre politique de la Cour Suprême que seule la majorité semble pressentir.

Les rangs de l'Opposition étaient silencieux et disciplinés. Les consignes avaient été passées et tous étaient derrière leur leader. Les députés de l'Opposition se préparaient à être potentiellement approchés par des députés de la majorité. La majorité avait besoin de la Cour Suprême alors que le gouvernement avait lancé un recours contre la loi sur la séparation de l'Eglise et de l'Etat. Laisser la situation en l'état ferait perdre un temps précieux au gouvernement et montrerait à l'opinion que la victoire conservatrice trouvait ses limites a peine le cabinet installé. La situation n'était pas tenable.

Les menaces du gouvernement pourraient rapidement se retourner contre lui, le Premier Ministre devait surement en être conscient. Le Chef de l'Opposition Loyale attendit, retournant à son siège la suite des évènements. Certains députés libéraux proposèrent de faire une suspension de séance, Müller n'y répondit pas pour le moment. Les circonstances pour échanger seraient plus propices. Unterwald qui était présent ne disait rien, il levait la tête de temps à autre et était bien plus occupé à corriger ses copies d'étudiants qu'a donner dans les discussions en cours.

Lezingham : Monsieur le député Muller, il n'est en aucun cas question pour le gouvernement de s'immiscer dans le fonctionnement de la Cour Suprême. L'article 3 ne prévoit pas l'indisponibilité de la Cour Suprême, mais il prévoit qu'elle est composé de trois membres. Le gouvernement fait remarquer aux honorables députés l'indisponibilité de fait de la Cour Suprême, considérant que le nombre de ses membres n'est pas pourvus, rendant impossible de dégager une majorité. Par conséquent le gouvernement étudiera les moyens de dépasser cette situation de blocage en modifiant la loi organique portant organisation de la Cour Suprême dans l'intérêt des Zollernois.

Franz corrigeait les copies des galops d'essai du premier semestre de ses étudiants de deuxième année. De la pointe de son crayon rouge, il parcourait nerveusement et rapidement les copies, annotant, barrant et inscrivant des notes. D'une oreille, il suivait les débats qui n'avaient rien de véritablement intéressant : le Premier Ministre transformait un simple point de procédure en joute avec l'Opposition. Müller en vieux renard avait glissé quelques chausses-trappe sur la route pour tester Lezingham et voir un peu comment il se débrouillait. Et franchement le nouveau Premier Ministre était décevant. Pour un peu, Unterwald aurait presque préféré avoir un Silverstein voire même un Lemberg - c'est dire - à la primature qui sont bien plus politiques et un peu moins butés.

La dernière sortie du Premier Ministre avait déclenché une clameur chez les députés de l'Opposition. Le Premier Ministre, incapable d'obtenir ce qu'il veut par la pression frontale, changerait la loi. Le chaos avait fait relever la tête de Franz de ses copies. Glissant un regard vers Müller qui était son voisin, un rang devant lui, ce dernier le regardait avec un sourire goguenard :

Müller : Rha le con !
Unterwald : On fait quoi Julius ?
Müller : Oh bah ça a l'air de lui arracher la gueule de vouloir négocier...
Unterwald : On peut toujours essayer ?
Müller : Vas y, ça me va.

Levant la main, Franz demanda la parole au Président du Parlement :

Unterwald : Point de procédure monsieur le Président, le groupe libéral demande une suspension de séance de trente minutes afin de revoir certains aspects des positionnements de l'Opposition.