(Palais) Audience extraordinaire

Dans la voiture qui conduisit Gatline au palais Cobourg, celui-ci croisa des partisans de l'intervention. Quelques personnes même pas dix mais qui brandissait des pancartes aux slogans interventionnistes. On pouvait lire "a Byzas !", "Le Zollerberg vaincra !" et même "C'est l'affaire d'un mois !". Comme si il suffisait d'y aller, de casser du lauras et de rentrer à la maison pour le diner. Sans doute des gens qui n'ont pas fait l'Edredonie pour comprendre que c'est une chose un poil plus compliqué. Appuyé comme un vieillard sur le pommeau de son yatagan, Edorel les regardait filer, ne cherchant pas à poursuivre la voiture jusqu'au Palais Cobourg. Ils auraient pue, depuis l'arrivée des automobiles, la vitesse était limité à celle d'un cheval au trot dans la capitale. Pendant ce temps-là, Scarmyglyone à coté lui faisait lecture du dernier rapport des ZZZ sur la situation la-bas. Malgré la levée de l'interdiction du culte zorthodoxe, les hommes sur le terrain relevaient encore des agissements antireligieux, des églises profanés, des curés molestés, sinon abattues. Soit la chrysobulle n'était pas parvenue jusqu'au Skotinos, soit les troupes s'en foutait et les officiers complaisant. Edorel se refusait cependant à vouloir intervenir pour des questions religieuses. Pour lui cela restait une affaire de principe, la Laurasie a envahie le Skotinos par rapprochement culturel, vague prétexte pour mettre la main sur les éventuelles ressources et raffermir sa position dans le sud.

La voiture finit par atteindre les grilles du palais, on la laissa entrer jusqu'au perron tandis qu'un laquais annonça l'arrivée du Premier Ministre au Grand-Duc. Tandis que Gatline descendît de la voiture et monta les escaliers du palais, il fit remarqué une chose à Scarmyglyone.

-Espérons qu'il soit dans sa bonne période et qu'il ne nous fasse pas le même coup du sommet.

Louis Ier observait l'arrivée de son Premier Ministre. Il s'adressa au Prince Hanz.

- Altesse, vous penserez à faire l'acquisition d'un de ces engins. Il serait inconvenant que le chef de l'état se traîne dans une hippomobile alors même que Son premier ministre se fait mener dans la toute dernière nouveauté.
- Bien Sire.
- Croyez-vous que cela se démocratisera
- Cela m'étonnerait beaucoup, l'achat est plus coûteux qu'un bon cheval et son fiacre, la vitesse n'est pas même plus élevé qu'un cheval au galop. L'autonomie est certes plus élevé mais l'entretien exige des compétences d'expert. Croyez moi Sire la malle et le train à vapeur ne sont pas prêt d'être concurrencé par cette invention ; dont je doute qu'elle survive à son créateur.
- Mais enfin le Grand-duc doit posséder sa "voiture". Vous ferez mander le Sieur Rollz-Royze afin pour nous de lui faire commande d'un de ces modèles. Il en va du prestige de la Couronne mon cher Prince.

Le Prince Hanz leva les yeux vers le ciel et commenta à voix basse : vanitaz vantitatum, omnia vanitaz.

- Plait-il Altesse ?
- Rien Sire, j'avisais. Puis-je disposer
- Faites donc, allez accueillir notre Premier Ministre, je suis prêt à le recevoir.

Quelques minutes plus tard, le Chambellan revint dans le bureau du Souverain ; à ses côtés le Premier Ministre en tenu de cours :
"Le Très Honorable Baron de Castelmore, Premier Ministre de Votre Altesse Royale"

Le chef du gouvernement inclina la tête en signe de respect. Le Chambellan Prince Hanz s'était déjà éclipsé.

- Monsieur le Premier Ministre soyez le bien venu. Commençons donc notre séance de travail sans tarder, quel est votre avis sur l'affaire qui nous préoccupe en Skotinos ?

Bon, j'ai de la chance, il a l'air bien. Pensa Gatline.

-Mon avis sur la question ? Eh bien, l'opinion publique commence a se rallier au parlement qui lui commence a parler d'union sacré pour secourir le Skotinos. Comme vous le savez, je me suis toujours montré opposé à une intervention, pensant que la Laurasie a agit avec précipitation et que ses conquêtes s'écrouleront à moyen terme. Le départ de deux de mes ministres dont le Duc de Silverstein m'a forcé à revoir ma position sur le sujet. L'intervention semble vouloir se profiler à l'horizon. Et ceux bien malgré moi.

Louis Ier écoutait avec attention son Premier Ministre, acquiesçant du chef ses propos :
- Il ne m'appartient pas de décider de l'opportunité d'une guerre. Si je règne vous seul gouvernez ici - le Grand-duc semblait amer à ces mots -. Je ne puis prendre une décision de nature à bouleverser l'équilibre de nos institutions. Qu'envisagez vous concrètement Baron ? Gouverner avec l'opinion ?

-Gouverner avec le peuple ? Non, le peuple est une chose tantôt sage, tantôt folle. Facilement influençable et pas toujours pour de bonnes raisons. Je parlerai plutôt de nager dans le courant lorsque cela est nécessaire. A dire vrai, j'ai déjà deux ministres démissionnaires. Un troisième, et je serai obligé de vous présenter ma démission. Aussi je préfère stopper l'hémorragie. Il ne serait guère souhaitable que le pays se retrouve sans gouvernement dans une pareil situation.

D'ailleurs, il faudra trouver des remplacements pour les deux zigotos...

-Pour reprendre, le dernier rapport des ZZZ indique une stagnation de la situation, si la levée des interdictions du culte a été faite, dans les faits rien ne se passe. Certains témoignages laissent à penser que des exactions ont toujours lieu à l'heure actuelle. Autre point inquiétant, la résistance autochtone semble se dégonfler et perdre en force de frappe, et ceux malgré un récent soutien matériel. Nous soupçonnons Armara d'avoir livré des armes aux résistants. Certaines d'entre-elles nous sont parvenues jusqu'à nos hommes sur place et on été acheminés aux labos des ZZZ pour études.

De notre coté, l'Empereur Henri m'a fait parvenir une lettre ou celui-ci nous propose d'obtenir des terres. Quel terre ? Voila la question. En tout cas aucune terre qui présenterait un quelconque intérêt. Le chef Carlsson, du Bureau d'Études et d'Analyses des ZZZ en a déduit qu'il veut acheter notre neutralité. Ce qui laisse à penser qu'Henri craint l'éventualité d'une intervention. Je ne lui ai pas encore répondue. Ensuite, je peux convoquer l'État-Major des armées et élaborer un plan d'attaque, que nous vous soumettrons à approbation. Enfin je demanderai au parlement de voter l'état de guerre contre la Laurasie. Si cela vous convient Altesse.

Toutefois, je tiens à fixer des limites à l'éventuel intervention, il n'est nul question d'agir autrement que pour libérer la région d'une emprise illégitime. Nous n'annexerons aucun mètre carré du Skotinos, ça n'est pas une croisade pour secourir les frères zorthodoxes et j'ai l'intention d'appuyer la résistance en envoyant des instructeurs sur le terrain lorsque les laurasiens seront repoussés et qu'il faudra s'en aller. Il n'est pas permis pour le Zollernberg d'agir autrement, et voir le Skotinos se transformé en Edredonie est le cadet de mes soucis.

- Nous sommes d'accord sur le principe, aucune annexion ne sera faite. Le Zollernberg n'a que trop donné dans l'expansionnisme. Il s'agit d'une guerre de libération. Toutefois je m'interroge, comptez vous limiter l'intervention du Zollernberg à quelques instructeurs ? La IIIe flotte est en poste, nous pouvons envoyer un corps expéditionnaire, nombre de nos généraux sont capables de mener campagne. Au lieu d'envisager la déclaration de guerre à la Laurasie peut être pourrions nous répondre graduellement. La reconnaissance du FRESKO - que sait-on d'ailleurs sur l'organisation ? A-t-elle un projet de gouvernement ? - , suivit d'un ultimatum, puis le cas échéant d'une déclaration de guerre.

Quel sera votre gouvernement pour mener cette politique ?

-Je pense transférer Chesterfield aux affaires étrangères, le député Sonnenblum le remplacera à l'intérieur et Bourne ira au trésor.

Je ne pense pas qu'une réponse graduelle soit suffisante, d'autant plus qu'il y a pas que le Zollernberg qui réfléchit à cette éventualité. Nous savons que le Roi d'Aldanor a fait mander un conseil de guerre, pour l'instant rien n'a filtré quant à une éventuelle intervention aldanorine. Mais il se pourrait bien qu'ils choisissent la confrontation direct. Leur ministre de la guerre, a ce que j'ai cru comprendre, est du genre sanguin. Nous ne connaissons pas cependant la position du Belondor et d'Edoran sur le sujet, mais l'opinion au Belondor commence à prendre parti pour le Skotinos. Pour les instructeurs au FRESKO, il était surtout question de les former de manière à ce qu'une fois que nous aurons repoussé la Laurasie dans ses frontières d'avant l'invasion, les skotinecs puissent se défendre cas de nouvelle tentative, sans que nous soyons derrière eux. Il vaut mieux toujours penser à un conflit sur le long terme, ce serai une sécurité utile.

Gatline eut une idée.

-Peut-être que si l'Aldanor entre en jeu nous pourrions obtenir d'eux un soutien non-négligeable. Nous pourrions par la même occasion nous rapprocher diplomatiquement d'eux ainsi que des pays du sud.

Louis Ier écoutait avec attention quoique sa concentration fût troubler par les gargouillie de son estomac. Voilà deux heures qu'il n'avait déjeuner. Pourtant le Grand-duc reprit l'air grave.

Monsieur le Premier Ministre, nous vous remercions pour votre exposer. Nous vous laissons œuvrer de concert avec le Parlement à cette entreprise. Soyez économe de la vie de nos soldats. Cette guerre ne nous dit rien qui vaille, pour ne rien vous cacher nous ne la souhaitons pas. Elle nous semble cependant inévitable au regard des nouvelles persécutions dont vous nous faites état. Nous avons confiance en vos qualités de soldats, et sommes heureux de vous savoir aux affaires en un tel moment.

L'entretien se terminait.

Peut être serait-il bon Monsieur le Premier Ministre de ressouder la cohésion de votre majorité par un vote de confiance ?