Mariage Grand-ducal

Les mains jointes vers le carzinal, la comtesse jouait la fervente zorthodoxe. Peu de personnes dans l'assistance soupçonnait qu'elle portait les mains bien plus vers son étoile que vers les Dieux.

- Oui, j'y consens.

Ces quelques mots entrecoupèrent le sourire de la comtesse, radieuse devant son insolente fortune. Le plus extraordinaire destin du Zollerberg se poursuivait. Sitôt le rituel accompli, l'orpheline, l'ex-esclave des Zindes, la malheureuse petite comtesse allait être titré S.A.R la Grande-Duchesse Marialyn de Zollernberg.

Tandis que chacun fit silence en ce grand temple orné de belles statues étranges et que l'archiprêtre local était en tran de commencer la lecture du livre sacré des Zorthodoxes, l'ambassadeur restait pensif à propos de la Comtesse. (Ce faisant, il manqua de prêter oreille au sermon du carzinal Smith, paroles qui eûssent certainement plu à l'ambassadeur.)

- Rho! songeait To Bohn Jöt, mais les femmes de ce pays sont des coquines! Elle m'a regardé moi, elle m'a souri! Elle me fait des avances. J'en suis tout rose de désir comme un petit cochon!...

Mais je dois être discret pour que son mari (gros donc riche) et toute cette grosse cour ne se doutent de rien. Voyons... Comment la rejoindre? Elle a sûrement trop peur que je vienne, je dois lui réserver la surprise. Ah!... J'y suis. Bien sûr! Elle va elle-même me faire venir par un rituel oumouyen.

Certains Oumouyens avaient en effet mis au point un mode de transport magique. Il suffisait de tracer sur le sol deux pentacles accompagnés d'un nombre identique chacun dans un endroit différent pour créer de l'un à l'autre un passage. Ensuite, tout simplement, l'on bondissait dans l'un des deux pentacles pour se retrouver dans l'autre.

- Ah si seulement je pouvais lui glisser un message quand je l'approcherai tout à l'heure...

Contre le manteau posé sur le dossier de devant, discrètement, il essuya le mouchoir de soie bleu.

"Prions pour les couples infidèles"... Un instant, l'Oumouyen releva la tête et regarda, étonné, le carzinal; celui-ci avait-il vraiment prononcé ces paroles? C'était un présage favorable, analogue, même, à la coutume oumouyenne qui voulait qu'on jetât de tout côté de grossières blagues et insultes sexuelles aux mariés pour favoriser leur fécondité.

To Bohn Jöt écrivit ensuite sur un papier:

Ji suis le rossignol chantant
Si tu es triste ô la belle
Trace cici sur le sol di ton appartement
Ji sècherai tes larmes en ti consolant!

Suivait le dessin d'un pentacle surmonté du nombre 1234.

To Bohn Jöt regarda ensuite la nouvelle mariée qui contemplait bien moins son mari que sa propre étoile, la voyant humble et radieuse, l'Oumouyen n'eut plus aucun doute qu'elle ne fût tombée éperdument amoureuse de lui.

- Mmmm! La coquiiiine! dit involontairement l'ambassadeur en tressautant sur place.

Il observait la scène du haut des tribunes. Edorel restait impassible, et commençait à somnoler. Il se faisait bien chier ici et n'attendait qu'une chose, le buffet. Pendant que l'office se faisait, il se mit à réfléchir. Il avait observer la plupart des convives avant le début de la messe. Si on oublie les zabruckois, le Prince en tête, personne n'avait l'air ravi (ou rassuré) de ce mariage. Pourquoi ?

Il commença à réfléchir et a se poser des tas de questions, son raisonnement méthodique le forcé à trouver les réponses les plus logiques, à regrouper les réponses entre elles et à déduire à partir de celles-ci les éventuelles choses que le Prince aurait omis (volontairement ou non) de lui dire.

Il reprit la conclusion qu'il avait tiré avec le Prince au ZZZ et reparti de zéro. L'analyse des informations brutes tel qu'on les lui avait présenté, le faisait déboucher au même endroit. Cependant quelque chose n'allait pas. Il triait et réorganisé dans sa tête les infos précises et celles qu'il avait trouvé par déduction. Il ne trouvait rien. Quoi ! Après tant d'années d'apprentissage et de formation, son cerveau entrainé et offert en holocauste aux déesses Raison et Logique n'arrivait pas à trouver pourquoi son raisonnement flanchait !

Il fixait la Comtesse des yeux, il ne voyait que le dos, et il reconnue qu'elle avait un arrière-train des plus intéressent. Cependant, obnubilé par elle, Edorel ne voyait pas que la réponse à son problème ... était juste à coté. Il détourna le regard vers le Grand-Duc, ce tas de tissus organiques graisseux, la Comtesse y tiendrait quatre fois dans sa largeur. Le visage d'Edorel s'éclaira aussi tôt, et les donnés fusaient dans ses neurones.

Avant le Grand-duc n'était qu'un étalon, magnifique et fort. aujourd'hui, c'est un gros, moche et faible.

Edorel comprit qu'il y avait là matière à suspicions. Il ne manquerait pas qu'Elle soit déjà enceinte et l'homme le plus puissant du continent nord ne tiendrais pas longtemps.

-Salôpe. Chuchota avec l'accent typiquement méridional des Zorcades. Jean-Kevin.

-Monsieur ?

-Dites au Prince-Amiral qu'il me faudra converser avec lui, dés que possible.

-Bien monsieur.

Edorel s'appuya sur la balustrade de la tribune tandis que son sous-fifre s'en alla porter le message. Maintenant qu'il avait une réponse, d'autres question arrivaient dans sa tête. Pourquoi ? L'argent ? Edorel en avait de toute façon bien plus que les grands de ce pays réunis. La puissance ? Un tyran au féminin, Edorel en doutait.

Il se rappela que le Zollernberg devait son âge d'or à une dénommée Marie-Thérèze 1er, ainsi que la devise Z.I.E.O.U . Pourquoi pas ? Mais était-il bien nécessaire de passer ça un éventuelle "accidenté" pour en arriver là ?

Edorel allait avoir beaucoup de question à poser au Prince Zabrucksï.

Puis ce fût au Carzinal de reprendre après les futurs époux :

- Ce que les Dieux unissent, seuls les Dieux peuvent le délier. Si quelqu'un s'oppose à cette union par quelque cause d'empêchement, qu'il parle maintenant ou se taise à jamais.

Avant que l'ambassadeur d'Umujo n'intervienne et ne cause un incident diplomatique, il s'empressa de reprendre.

Vous avez juré de vous chérir et d'accroître votre maison dans la Zainte-Foi zorthodoxe. De ce serment, seuls les Dieux peuvent vous délivrer. Jurez de poursuivre l'Oeuvre créatrice des Dieux ! Jurez de consacrer votre vie chacun l'un à l'autre ! Jurez de vivre dans l'adoration de la Zainte-Trinité des Dieux !


Les deux amants désormais consacrés dans le mariage, répondirent ensemble.

- Nous le jurons.

Le Carzinal reprit.

- Dieux omnipotents, daignez recevoir le serment de cet homme et de cette femme dans l'adoration de Votre Très Zainte-Trinité ! Daignez-leur accorder la confiance mutuelle et l'amour réciproque dans la Foi ! Accordez-leur de voir naître les fruits de cette fidélité en Votre Très Zainte-Trinité !


Le carzinal Smith, sous le regard des témoins, le Baron Adalbert pour le marié et la jeune Nola von Richthofen pour la mariée, traça alors un Signe de la croix trinitaire sur le front des époux à l'aide de l'huile consacrée, puis il procéda à la bénédiction et à l'échange des anneaux. Si le Grand-duc n'eût aucun problème à l'enfiler au doigt de Marialyn qui laissa sortir de sa bouche un imperceptible : "Mon précieux !". Concernant le Souverain ce fut plus difficile. Ainsi qu'on l'avait prévu, l'anneau n'embrassa point le doigt du souverain. Il fallu bien un quart d'heure à la pauvre Marialyn pour se faire, sous le regard paniqué du Baron de Lezingham, Chambellan et Maître de cérémonie, qui cru bien perdre de nouveau et définitivement sa charge cette fois ça. L'on devrait signer plus tard les registre. Avant cela, au Carzinal-Légat du reprendre la phrase tant attendu de l'intrigante comtesse et de son lubrique souverain :

- Fils et fille en la Très Zainte-Trinité des Dieux, je vous déclare mari et femme, unis par les liens sacrés du mariage. Yaïla

Voilà, c'était fait ! Marialyn von Manheim était Grand-duchesse de Zollernberg !

Ainsi soit-il, pensa le Prince.

Marialyn avait eu ce qu'elle voulait. C'était à son tour de lui rendre la pareille désormais. La disgrâce durait et lui pesait. Peu de Zabrücksi avant lui avait fait aussi pire. Perdre toutes ses charges, n'être plus qu'Amiral de la Flotte.
La cérémonie s'achevait. Les mariés sortirent sur le parvis de la cathédrale sous les vivats de la foule. Felgenheim, de son coté, applaudissait comme les autres mais réclamait que l'on passe au buffet.

La cérémonie avait quelque peu traîné et les convives semblaient plus emportés par le fait que le repas approchait, que par la grâce amoureuse du couple régnant!
Le rite Zorthodoxe était de plus assez grandiloquent et quelques convives s'étaient endormis tandis que les tourtereaux ivres (de bonheur) se bécotaient!
Le Prince n'attendait plus qu'une chose, pouvoir respirer un peu, allumer un cigare et surtout -et au plus vite- se soustraire au regard de l'Impératrice d'Edoran qui s'approchait assez de celui d'une taupe... L'odeur en était aussi proche: d'elle émanaient des relents d'humus et de lombrics... Il dévala donc les marches du temple avec les autres invités officiels, jetant un regard curieux sur ces derniers, et attendit qu'on lui indiqua ce qu'il devait faire à présent... Un repas de noces était-il prévu? Un bal?

Un Te Dea magnifique et grandiose en l'honneur du Souverain et de sa dynastie s'empara de la cathédrale, réveillant les quelques assoupis. La Marche de la Garde Pruzzienne, hymne de la dynastie régnante et du Grand-duché, clôtura la cérémonie. Les militaires au garde à vous, la foule en liesse en dehors. Louis était au bras de son épouse, l'on avait sorti, à la demande de Marialyn, la carrosse d'apparat tout de feuille d'or recouvert. L'on saluait la foule, Louis avait toujours apprécié cet exercice, somme toute assez aisé, il avait théoriser le mouvement de main, il fallait imiter les bonnes de sa royale demeure, lorsqu'elle l'avait les vitres du Palais Cobourg

Dans la foule on y allait de son commentaire. La femme de plus soixante ans était sur le charme... du souverain : 'Il est beau n'est ce pas" disait l'une à sa voisine emportant l'adhésion des autres : "il a pris de l'embonpoint mais c'est un bel homme ; elle en a de la chance", une autre comméra : "Je ne vous pas ce qu'il fait avec elle. Une autre de renchérir :" vous ne savez pas, on dit qu'elle achète des robe à qui mieux mieux. A une autre de rajouter : Elle est maigre comme un clou, regardez ses hanches, comment pourra-t-elle donner donner un beau petit prince à Louis ? C'est ridicule. Ça se voit qu'elle n'est pas bonne reproductrice... Où va-t-on ?" A son amie qui remarquait un soupçon de jalousie, elle répondit : J'ai porté vingt enfants, cela se lit sur mes formes mais au moins j'ai donné des enfants au Zollernberg et à l'Eglise, et j'ai survécu à mon mari. Elle ne survivra pas à sa première couche c'est évident."

Les jeunes hommes de quinze à vingt-cinq ans semblaient eux quelques peu désabusé : "Oh l'ennculééé !"

Le Prince était fatigué de cette mascarade. Seulement, il se devait de la subir entièrement. Après les vivats de la foule, on continua les réjouissances et on passa au buffet.
Ce fut insupportable. Zabrücksi dut jouer son rôle de notable et écouter les palabres ennuyeux de ses condisciples. Il dut promettre à tel ou tel jeune nobliau de passer un mot pour lui. Il eut à affronter le regard de vieilles dames, outré qu'un homme marié eusse pu avoir une maitresse aujourd'hui Grande-Duchesse. Il dut complimenter sur leurs toilettes des femmes extrêmement laides et vieillies et faire de mêmes des costumes traditionnels et ridicules de certains ambassadeurs. Felgenheim était aussi lourd que d'habitude. Sa femme le trainait devant ses amies. Son fils restait bêtement au buffet à boire de l'alcool, à regarder ses chaussures et à épier les filles.
Vint le moment le plus redouté. Il félicita son souverain pour le mariage. Louis Ier ne semblait jamais avoir été aussi heureux. Il confia au Prince que la réception l'ennuyait et qu'il avait hâte de passer à la suite des festivités; la nuit de noces, et que la belle n'allait pas en croire ses yeux devant ses prouesses.
Le Prince félicita également la Grande-duchesse, d'un rang désormais trois fois supérieur au sien. Entourée de dizaines de courtisans, elle ne lui accorda même pas un regard. Tout juste remarqua t'elle qu'il lui avait saisi le poignet pour le baisemain.
Lassée, le Prince retourna auprès du buffet où stationnait le jeune Zabrücksi. Il demanda une vozka orange et observa le manège de son fils.

- Va l'aborder, benêt.

- Euh ... Je ne la regarde point.

Le jeune homme avait menti effrontément. Quoiqu'en pensait son père, il ne faisait pas que regarder les femmes. Tout au long du buffet, il avait rencontré des militaires ou des politiques, eux aussi, consternés devant les concessions que le Zollernberg faisait à l'égard d'Edoran. Pour son grand plaisir, il avait constaté que nombreux étaient ceux qui auraient préféré envoyer les Zollplin sur Allancia plutôt que Babenberg.

Le général Von Wolfenbütte était convaincu et très entrainant.

- Comprenez bien mon jeune ami. Avec l'alliance russlave, nous sommes désormais capable de déclencher une guerre préventive contre Edoran et d'abaisser définitivement cette puissance.

Le Comte Felgenheim avait renchéri.

- Cette guerre est juste et nous permettrait également de pousser nos pions en Krassberg et en Krassland. De plus, l'opinion est prête à la guerre. Avez-vous lu mon édito ? Nous n'avons jamais réalisé de telles ventes.

Franz était sur un petit nuage. La jolie Juliet von Zamber qui lui envoyait de subtiles sourires tomberait certainement sous son charme, une fois son poitrail couvert de médailles.

L'Impératrice se présenta aux nouveau époux.


Vos altesses,

Veuillez recevoir les meilleurs voeux de mon époux et du peuple edoranais. Puisse cette union être fertile et donner au Zollernberg une descendance grande-ducale.


L'Impératrice doutait que cet homme ventripotent et probablement infertile et cette roturière au bassin étroit puisse un jour assurer la descendance de la lignée. Cependant, elle n'en souffla pas un seul mot.

Mon époux regrette de ne pas avoir assisté à cette cérémonie, car sa convalescence a été plus longue que prévue. Cependant, il tenait ;a ce que je vous offre ces présents.


Elle frappa dans ses mains et un domestique apporta un écrin. Le serviteur l'ouvrit et le tendit à la Grande-Duchesse.






Puis le domestique se tourna vers le Grand-Duc pour lui tendre une cravache.

Bien entendu, Altesse, ceci est plutôt symbolique. Le plus bel étalon des écuries impériales vous est offert. Puisse-t-il convenir au Grand-Duc de Zollernberg.

Edorel ne savait pas si il lui faudrait s'adresser au Grand-Duc son employeur comme à un futur cadavre ou à une personne vivante. Il avait trop réfléchi à la question et ne savait plus quoi penser. La cérémonie finit, il donna ses consignes aux hommes avant de prendre congé. Il fit un saut rapide à son logement de fonction pour mettre une tenue de soirée. Bien évidemment, comme il le craignait, il tomba dans le vestibule de son appartement nez à nez avec la gouvernante et une domestique dans des positions saphiques peu orthodoxes. Il contourna la scène autant que possible sans interférer comme si de rien n'était, se changea rapidement et repartit aussi tôt.

La soirée fut animée, mais chiante, seul le buffet sauvait le tout. Edorel s'y tenait, goutant chacun des amuses-gueules comme à son habitude, toujours en cogitant la chose qui l'affectait tant. Veuve noire ou pas veuve noire ? Ça l'énervait et sa se voyait. Malgré le col de sa veste remonté et les lunettes fumées qui dissimulait son visage. Comme le serveur derrière le buffet le regardait d'un air suspicieux, Edorel se détourna.

Horreur, le gratin de la noblesse donnait peine à voir.

"Et dire que je pourrais finir comme eux dans quelques années." Se disait-il. Même entre eux, les nobles se pavanaient, les courtisans suivant leurs princes tels des mouches suivant une bouse resté au cul d'une vache. Il y avait bien le Prince-Amiral qui sauvait un peu la mise. Les invités étrangers n'étaient guère mieux. l'Impératrice d'Edoran était mal habillé, le baron Svalborg baillait comme c'est pas permis, le petit homme qui avait surpris Edorel à la cathédrale semblait intrigué par les mets du buffet, les quelques députés travaillaient à leur réélections (comme d'habitude.) Le Grand-Duc se bâfré comme un sagouin et le directeur du ZZZ cogitait toujours à propos de la Grande-Duchesse. Il se décida à trouver Zabrucksi pour mettre les choses au clair.

-Amiral (Edorel préférait toujours les grades aux titres), je dois m'entretenir avec vous d'une chose, à l'écart naturellement.

C'était une riche idée. Brillant, ostentatoire, arrogant. L'impératrice adorait les diadèmes pensa le Prince.

Le Prince vit le Directeur des ZZZ l'air morose s'avancer vers lui. De toute évidence, l'aventurier qu'il était n'aimais pas trop les réceptions nobiliaires et raffinés. Il salua Gatline, donna satisfaction à sa requête et l'entraina à l'écart attrapant au passage deux vozka orange du plateau d'un majordome.

- Je vous en prie, cher ami. De quoi vouliez-vous vous entretenir ?

A l'écart, Gatline repéra un coin mal éclairé. L'endroit idéal loin du boucan de la salle de bal du palais, dans un petit salon ou quelques gardes du corps sirotaient leurs jus dans leurs cuirasses étincelantes. Sur ordre du directeur qu'il était, ils sortirent dans les jardins, laissant le Prince-amiral et Edorel tranquille.

-Si vous avez omis des choses lors de notre entretien à propos de qui vous savez (tout en hochant la tête en direction de la grande salle et plus métaphoriquement de la Grand-Duchesse), je vous suggère de tout me dire Amiral. Elle n'est pas là uniquement pour donner un héritier à la nation n'est-ce pas ?

Le Prince considéra son interlocuteur avec surprise. À quoi pensait-donc le directeur des ZZZ ? Le soupçonnait-il de nourrir d'autres ambitions via la Grande-duchesse ? Il est vrai qu'il comptait sur Marialyn pour passer un mot au Grand-Duc quant à l'inutilité de faire durer sa disgrâce.

- La Grande-Duchesse ? Non, vraiment, Monsieur, je ne vois pas. Mais ne faisons pas de cachotteries entre nous, à quoi pensez-vous ?

Venez-voir.

Edorel guida le prince jusqu'à l'entrée de la grande salle ou se faisait la soirée, sans s'avancer plus, mais en gardant le couple grand-ducal dans le champ de vision.

Observez bien. Il est gros et à la limite de l'impotence, elle est fine et athlétique. J'avais prévu de faire quelques exercices à Son Altesse afin qu'il retrouve une allure normal, mais j'ai pensé que cela faisait peut-être parti d'un "plan". Mais pas le vôtre.

Il se retourna en direction de l'Amiral.

J'ai entrainé mon cerveau à pouvoir raisonner et déduire des choses à partir de bribes d'informations. C'est un travail qui demande des années d'entrainement et à ce jour je ne pense pas avoir réussi à doublé mes capacités de déduction. Mais je suis déjà a un niveau supérieure à la normale. Aussi quand j'ai vu le "résultat" de ce mariage, j'ai tout de suite pensé qu'il y aurait un problème, à moyen terme.

Je m'explique, l'idée de départ est qu'elle vous sert à avoir un moyen que le Grand-Duc vous garde auprès de lui. Mais elle a eu un parcours difficile si j'en crois ce que vous m'avez dit, c'est une femme de caractère qui ne se laisse pas faire. Pouvez vous penser qu'à tout instant, elle décide de faire cavalier seul, sans vous demander votre avis ? Et qu'elle finisse par ajouter un troisième nom à sa liste ? Et que ce soit Elle la patronne ? si vous voyez ce que je veut dire.

Il se retourna vers la salle.

Et le plus amusant dans cette histoire, c'est que les probabilités indiquent qu'elle à une petite chance d'y parvenir.

Le Prince ferma les yeux. Assurément, il avait été sot de penser qu'un homme comme Gatline puisse si facilement se rallier à un projet, qui force est de le constater, pouvait sembler préjudiciable à la vie du Grand-Duc.
Zabrucksi contempla son interlocuteur. Le possible meurtre du souverain le génait. Non pas qu'il en était offusqué moralement. C'était un mercenaire de surplus étranger.

Le Prince saisit le bras de Gatline.

- Monsieur, je n'aurais jamais défendu ce mariage si je pensais qu'il puisse conduire à un régicide. Mon souverain a toute ma fidélité. Je suis intimement persuadé que ce genre d'idée ne traverse même pas l'esprit de la comtesse.
La politique ne l'intéresse pas. Diriger une armée de valets lui parle, mais un empire non. Cette jeune femme est intelligente, assurément, mais elle a aussi les défauts de son sexe. Elle est dépensière, frivole, matérialiste. Ses projets se limitent maintenant à augmenter sa liste civile, ou à s'offrir un palais dans les Zorcades.
Elle ne peut attenter à vie de notre souverain. La Grande-Duchesse sait que vous et moi sommes au courant pour les accidents de ses précédents maris. Elle sait ce qu'il l'attend en cas de régicide. Connaissez-vous les supplices en Zollernberg pour ce genre de crimes ? Non ? Il en vaut mieux ainsi, croyez moi.

Le Prince marqua une pause et vida son verre.

- Gatline, elle ne fera rien parce qu'elle ne veut pas et parce qu'elle ne peut pas.

La Grande-Duchesse ouvrit l'écrin et découvrit le diadème. Comme toutes le clan zabrückois, elle était assez sceptique vis-à-vis d'Edoran, pourtant elle dut reconnaitre que l'Empire avait visé juste en lui offrant ce bijou. Avec un enthousiasme non feint, elle le posa sur sa tête et s'extasia de la teinte des pierres.

- Madame l'Impératrice, je vous remercie pour votre présent. Votre présence à notre mariage nous a comblé et a réellement honoré le Zollernberg. Puissiez-vous les rapportez à l'Empereur.

Quelques temps après, elle glissa à Louis.

- Et puissiez-vous m'en offrir un encore plus grand, plus beau, plus cher !

Edorel dégagea son bras de l'emprise de Zabrucksï.

-Croyez-moi que si j'étais sûr à cent pour cent de cette éventualité, Elle n'aurait jamais franchi le seuil de la cathédrale. J'utilise mes capacités uniquement pour pouvoir prévoir et anticiper toutes les éventualités possibles et imaginables. Celle-ci me troubla plus que tout le reste, bien que cette possibilité soit vraiment minime. Et j'en ai pensé qu'il fallait que je vous en fasse part pour avoir un avis de quelqu'un concerné de près par la chose. Maintenant j'ai eu ma réponse.

Je ne fait que mon devoir envers le Grand-Duc. Parce que je me suis proposé à son service et que j'use de mes talents pour le servir, Lui et la Nation.

Le Prince feint de ne pas remarquer le mouvement d'humeur du Directeur des ZZZ et resta courtois.

- Fort bien, nous sommes donc du même avis. Retournons à l'intérieur. Nous avons, en plus de ce mariage, des décorations à fêter ! Avez-vous vu que j'ai retrouvé ma charge de chancelier ? Je vous avais prévenu, je retombe toujours du bon coté.

- PAAARDON! PAAARDON!!!

Alors que tous se dirigeaient vers le buffet, To Bohn Jöt criait presque en bousculant les convives, allant à contre-courant afin de rejoindre le couple grand-ducal.

L'ambassadeur n'était pas très patient, et sa petite taille le gênait considérablement. Hélas, que de robes bouffantes, que d’épées au côté obstruaient le chemin.

Enfin, il parvint à s'extraire de cette foule gourmande et caquetante et à rejoindre le couple grand-ducal. Il s'inclina alors devant la Comtesse épouse de Louis Ier en salivant doucereusement ces mots:

- Madame la Comtesse, vous avez perdu ceci!..

Le coeur battant, To Bohn Jöt posa dans la main de Marialyn von Manheim le foulard bleu avec le petit mot glissé à l'intérieur qui n’y tenait que de façon instable.

Ji suis le rossignol chantant
Si tu es triste ô la belle
Trace cici sur le sol di ton appartement
Ji sècherai tes larmes en ti consolant!

(Suivait, sur ce papier, le dessin d'un pentacle surmonté du nombre 1234.)

Immédiatement, l'ambassadeur présenta des voeux officiels aux nouveaux mariés:

- La République Oumouyenne souhaite aux nouveaux mariés Son Altesse Royale Louis Ier... etc. et Madame la Comtesse Marialyn von Manheim (slurp) des Princes d'Azpen, un mariage fécond, et a l'insigne honneur di leur offrir cette pierre précieuse symbole di piété ascétique, di fidélité et di dévouement.

Il tendit un lourd coffret massif de kanao marqueté de noir et de kaki et enclos de serres d'aigle en plomb contenant une sombre zilekite violette de 567 grammes taillée en une pointe très effilée... presque un poignard!

Tout aussi doucereusement, l’Oumouyen ajouta :

- Ce phalle minéral et un rien anguleux assurira la joie féconde di votre union ainsi qui la paix du mariage.

- Euh ... merci pour le silex. Croyez bien que j'en suis enchantée. Puisse t-il être le symbole de l'amitié qui allie nos deux grandes nations.

La Grande-Duchesse ne mentionna pas qu'elle ignorait, il y encore quinze secondes qu'il y avait une République Oumouyenne. Elle se demanda un instant sur quel continent trouvait-on des hommes aussi petits à l'accent si bizarre.
La cérémonie touchait à sa fin. Certains convives commençait à s'esquiver. Elle sentait Louis Ier impatient de passer à la nuit de noces. Elle noua le bout de son foulard pour lui faire penser de lui réclamer un palace aux Zorcades.
Ce faisant, elle découvrit un petit papier. Tandis qu'elle faisait semblant d'écouter le radoteur et vaguement sénile duc de Silverstein, elle l'ouvrit et découvra un message. Il lui fallu une seconde pour comprendre qu'il s'agissait du mot d'un admirateur. Elle en avait toujours reçu et il y en avait de plus en plus depuis qu'elle était ainsi exposé aux bras de Louis Ier. Elle froissa le papier et le jeta à terre. Un valet s'en saisissa immédiatement, et le jeta dans la cheminée.
Un instant, elle croisa le regard du Prince où se lisait de la neutralité, mais aussi de la frustration et meme un peu de ressetiment. Elle se demanda une seconde si le message n'était pas de lui. Assurément non. L'air vaguement renfrogné du seul homme digne de ce nom à ses yeux en cette pièce lui faisait une légère peine au cœur. Il en serait tout autre quand il apprendrait son retour en la chancellerie, retour qui était en partie du à l'activité souterraine qu'elle effectuait auprès de son mari.

Pour clore sa discussion, Edorel lança avec une pointe d'ironie.

-Si vous êtes tel un chat, il faudra que je vous attache une tartine beurré pour voir si ce que l'on dit est vrai !

Edorel quitta le prince qui semblait désappointé par le sens de sa phrase. Peut-être Zabrucksï n'avait t-il pas entendu parler de cette vague théorie à propos des chats et des tartines beurrés. Il retourna vers le buffet, pris quelques biscuit qui rester ci et là. Il héla un serveur.

-Vous auriez pas des berlingots d'Hams-Berg ?

-Désoler monsieur, nous ne nous fournissons pas au Belondor.

Gatline était déçu, si il y a bien quelques chose qui lui manque, ce sont bien les berlingots. Ces petites sucreries toutes belondaures, que l'on s'arrache au quatre coins du micromonde. Son oncle, Daniel Gatline est l'un des quatre maître-confiseurs sur la quarantaine de cette ville qui connait la recette exact de ce bonbon. Et pour Edorel, les berlingots ont une importance toute particulière.

il remarqua quelqu'un l dont la tête dépassait de celle des convives par moment, quelqu'un qui semblait cherché une personne. Il fixa ses yeux sur Gatline, et marcha droit vers lui.

-Message urgent, chef ! Dit l'homme en chuchotant.

-Comment vous m'avez trouvé ?

-C'est bien simple, vous voyez quelqu'un d'autre ici qui tienne à gardé son identité secrète habillé comme vous êtes ?

-Ah... oui. Faites voir ce message.

Le messager tendit la petite feuille à Edorel.

Attaque imminente sur le Centuryon, Nabi de mèche avec Charli.

-Travail, encore du travail. Retournez à vos occupations.

L'homme disparut. Edorel se dit qu'il en parlerait au Grand-Duc dés que possible. Cela ouvrirait peut-être des possibilités intéressantes. En attendant il se retourna vers le buffet. Il se dit aussi qu'il lui faudrait faire réveiller le Grand-Duc au aurore pour lui faire perdre tout ce gras si la Grande-Duchesse n'y arrive pas par elle-même.

- Monsieur de Gatline ! Monsieur de Gatline !

Le directeur des ZZZ se retourna et vit le Comte Felgenheim se diriger vers lui aussi rapidement que sa magistrale bedaine le permettait.

- Monsieur de Gatline, toutes mes félicitations pour votre nomination au rang de grand-écuyer. Je n'ai pas eu le bonheur de m'entretenir avec vous. Je suis le comte Von Felgenheim, directeur de la franchise du même nom, botaniste attentif des plaisirs de la table, directeur du KAZ et patriote zollernois.

Mon ami, le Prince Zabrücksi m'a parlé de vous et de vos louables efforts pour réformer notre armée. Parlons franchement, je suis à la tête d'un groupe de pression composé de conservateurs que les esprits biens pensants de notre temps qualifie de « nationaliztes.» Moi-même, les généraux Von Wolfenbüttel, Von Heinrich et Von Pratzheim, les députés Breslau et Limberg sommes partisans d'une alliance avec la Russlavie pour contrer et rabaisser ces freluquets d'édoranais.

Mais, je en connais point votre avis sur cette question, en avez-vous un ?

Bouche bée, To Bohn Jöt assista au rejet de son billet doux par l'insigne objet de son amour. Il s'enfuit comme un gamin furieux d'avoir été sermonné, et alla se réfugier derrière la belle cathédrale. Soudain, entre deux contreforts, deux infirmiers de son pays se matérialisèrent. A leur vue, l'ambassadeur blanchit de terreur.

Infirmier 1 : Alors c'est quoi ces pitreries?
To Bohn Jöt : Pitié...
Infirmier 2 : Vous n'êtes rien dans ce pays. Accomplissez uniquement votre mission d'espionnage et de commerce, sinon...
To Bohn Jöt : Oui...

Les deux infirmiers disparurent. L'ambassadeur était tout flageolant lorsqu'il retourna à la fête. Cocker triste, il songea qu'il se serait tout de même bien damné pour une rencontre privée avec la grande Marialyn von Manheim.

Tout crispé en entendant son nom (avec une particule qui plus est, de quoi le mettre en rogne), Edorel se retourna et vit venir vers lui un homme étrange.
"c'est qui ce p'tit gros ?" Pensa t-il. Le bonhomme arriva lui pris la main pour la serré, et lui fit son petit discours. "Quel Grand-Écuyer ?"

-Eeeuuh ... Mouis.

Il ne savait pas quoi répondre à son interlocuteur, visiblement pris de court par sa question.

-Eh bien ...

"J'ai peur de dire une connerie."

-Nous ... veillons à ce ... qu'ils ne fassent pas ... comment dire ... de préjudice ... envers les intérêts du Grand-Duché.

Il resta le plus évasif possible. Il ne tenait pas particulièrement à être récupéré politiquement par qui que ce soit. Edorel remarqua qu'il avait la main graisseuse, cette homme avait-il manipulé quelque chose de gras ? Il tourna la tête pour voir si il n'y avait rien pour pouvoir s'essuyer la main. Tout en évitant d'éveillé l'attention du compte Felgenheim.