Diner chez la Grande-Duchesse en l'honneur des amis du Zollernberg.

- Qu'est-ce cela ! Avez-vous perdu la raison ? Êtes-vous seulement consciente de ce que vous faites ?

Le Prince entra à grand pas sans y être invitée dans le salon Marzan. L'air furibard, il jeta à la Grande-Duchesse un carton d'invitation.

- Je me répété, avez-vous déraisonné ? Vous invitez ici ce député fou furieux qui met en émoi toutes les chancelleries du monde. Rendez-vous compte de l'effet produit ! Il est désastreux ! Pour qui vous prenez-vous ? De la politique maintenant ?

- Tout à fait. Calmez-vous.

- Je suis calme. Votre frivolité nous jettera tous par dessus bord !

- Monsieur le Prince. Baissez d'un ton sans quoi je donnerais l'ordre de vous expulser de mes appartements. En fait, adressez-moi encore une fois la parole en omettant mon prédicat et je vous mets à la porte.

- Bien, Madame.

- Vous me décevez Zabrücksi. Vous ne saisissez pas la force de ce nouveau discours. Les lignes politiques changent. Le peuple verse dans le nationalizme. Nos alliés sont favorablement impressionnés. Et j'ai toujours admiré cette idée; le Zollernreich.

- Madame, ne me racontez pas d'histoires. Vous n'aspirez qu'au titre d'Impératrice. Votre sens de la démesure vous fait jouer avec le feu. Vous soufflez sur des braises qui peuvent enflammer tout le Continent Nord et ce au détriment du Grand-Duché. Et d'ailleurs que pense le Grand-Duc de tout cela ?

- Le Grand-Duc se range à mes idées. Soyez-en certains.

- Vous prétendez utiliser le nationalizme pour accéder au tire d'Impératrice et prendre le premier rôle à la tête de l'État, en somme. D'accord, et entre nous, vous pensez réussir ?

- Là n'est pas la question.

Une lourde horloge sonna et la Grande-Duchesse reprit.

- Je dois me préparer pour ce diner. Monsieur, je ne vous retiens pas.

Le Prince vaincu se retira vers la porte.

- Madame, de grâce, n'en faites pas trop. Si cela va trop loin, ce sera à Babenberg et à moi d'adoucir les angles.

- Faites moi confiance. Retirez-vous, Monsieur le Chancelier fit-elle en le congédiant de la main.

Le Prince sans dé-serrer les dents, se retourna. Il allait prendre la porte quand la comtesse l'interpella.

- Ha et faites mander le sous-prieur de l'abbaye des Bezoaristes. J'ai l'intention de me faire couronner.

- Je vous demande pardon ? Le Grand-Duc est-il au moins au courant de cette affaire ?

- Non, mais ce n'est pas important. Je saurais me faire approuver.

La porte claqua. Marialyn avait été singulièrement déçu par le Prince. Pour la première fois, elle perçut sa rigidité d'esprit. Il n'avait pas compris, qu'elle et le Zollernberg tenait dans ce mouvement de masse nationalizte un train qu'il ne fallait pas manquer.

Le député si fougueux ne se tenait plus de joie. Depuis qu'il avait le démon de midi, il versait dans un nazionalisme complétement débridé. Titiller les ennemis de la nation était devenue sa drogue.
Il était donc invité chez la Grande-Duchesse. En contemplant la liste des autres personnes présentes, il en avait déduis que sa souveraine l'approuvait. A l'hôtel Kerg, on en avait été euphorique. Cette belle et jeune souveraine que l'on disait un rien frivole pouvait-elle être l'instrument des Dieux pour le salut de la patrie ?

Erwinn fut introduit le premier dans le salon von Kerg et se retrouva face à la Grande-duchesse. Dieux qu'elle était désirable.

Il prit le bout de ses doigts et s'inclina pour le baise-main. Ce faisant, il murmura quelques mots.

- Vous rencontrer comble votre serviteur, Madame la Grande-Duchesse. Puisse les Dieux œuvrer en faveur de la patrie pour vous faire Impératrice.

La Grande-Duchesse en gloussa de contentement.

- Monsieur le député. Relevez-vous. Ne comptez pas uniquement sur les Dieux pour cela. Le Grand-Duché aura besoin de tous ses serviteurs. J'apprécie assez votre idée de vouloir œuvrer à la réunion politique de tous les zollernois.

- Servir votre mari et la couronne est un honneur, madame.

- Bien, nous avons fort à causer. Attendons donc l'arrivée de messieurs les diplomates étrangers.

L'ambassadeur de la République Oumouyenne fut tout de même rassuré qu'on ait pensé à l'inviter (lui, le représentant du plus grand pays du micromonde, la nation phare de tout le Sud, appelée bien entendu à régner sur tout l'univers, même s'il ne fallait pas trop le dire pour le moment à tous ces arriérés grandiloquents).

Il se prépara pour être impeccable, se parfuma pour masquer ses odeurs corporelles et prit ses shigariyoy (cigarillos oumouyens) ainsi que les superbes plaquettes publicitaires des quelques entreprises de son pays.

Enfin il annonça dédaigneusement aux laquais son arrivée qui se penchèrent pour prendre son manteau et son chapeau, et fut conduit dans la salle où il salua très respectueusement la Grande Duchesse épouse de Louis Ier (ainsi que fort courtoisement les autres invités, quoiqu'avec une raideur sans doute involontaire).

- Je suis honoré di vous rencontrer, Votre Altesse. La Grande République Oumouyenne est sensible à cette invitation, signe di la convergence toute naturelle des vues di nos deux pays vis-à-vis du monde!

Marialyn se souvenait désormais très bien de l'ambassadeur. Alors qu'elle parcourait la travée centrale de la cathédrale, elle avait remarqué ce petit homme qui l'avait regardé de façon concupiscente. Plus tard, il lui avait offert un bijou certes curieux, mais splendide.
Non pas qu'elle fut attirée par les gringalets, la Grande-Duchesse comprit qu'il fallait flatter cet homme-là. Alors que toutes les chancelleries du micromonde s'inquiétaient de la poussée nationalizte en Zollernberg, la République d'Umujo avait pris le pendant inverse.

- Monsieur l'ambassadeur, c'est un honneur de vous rencontrer. On m'avait dit que les Oumoyens étaient les hommes les plus élégants du Continent Sud mais je peux désormais le constater de mes propres yeux. Vous vous êtes engagés en faveur des revendications nazionalistes, groupe politique que je soutiens. La Grande République Oumouyenne plus qu'aucune autre nation mérite notre sympathie. Le Grand-Duc m'a donné toute latitude pour m'entendre avec vous au sujet de traités commerciaux ou d'amitié.

Le député s'approcha lui aussi de l'ambassadeur de la Grande République Oumouyenne.

- Monsieur, au nom des nationaliztes, permettez moi de vous assurer de notre amitié. Vous avez été la première nation à soutenir nos revendications. Nous ne l'oublierons pas. Si la fortune devait choisir notre camp, soyez certains que nous partagerons ses fruits avec vous.

- Voilà qui est bien dit, Monsieur le député. Monsieur l'Ambassadeur, menez moi jusqu'à la salle de réception. Le diner a été annoncé.

L'ambassadeur engouffra une poignée d'amuse-gueules et dit, bouche pleine:

- Mon pays dispose à présent d'une armée moderne issue des restes de l'armée neftasyenne et de l'armée saralandaise. Nous pouvons vous appuyer dans ce conflit (bien que nous ayons plutôt des projets différents pour notre armée). (Nous maîtrisons aussi certains rituels magiques qui pourraient peser dans la balance si vous pouviez éventuellement les maîtriser, mais rien n'est plus difficile.)

En échange, nous demandons un accès aux archives des anciens Etats qui ont figuré sur votre territoire. Notre but est de nous accaparer les connaissances de technologies plus avancées que la nôtre et dont nous avons besoin pour notre développement.

En outre, nous souhaiterions pouvoir ouvrir une ambassade dans le quartier des ambassades et procéder à du troc. Du côté de nos importation, nous avons besoin que vous nous envoyiez des jeunes gens pour les embrigader dans notre armée en pleine croissance. Pour notre export, voici les entreprises de mon pays... (voir les sous-pages).https://sites.google.com/site/republiqueoumouyenne/ecomarind

To Bohn Jöt s'essuya les mains dans la nappe comme on le faisait encore en Umujo.

- Afin de devancer d'éventuels besoin, notre aviation se dirige maintenant vers le Nord.

EDIT: - Ah, j'oubliais, les secrets de l'industrialisation nous intéressent aussi particulièrement. Les Oumouyens pourront-ils être formés aux technologies zollernoises?

La comtesse saisit de ses doigts fins un minuscule apérizcube et le porta à ses lèvres.

- Cher ami, bien sur, tout cela vous est accordé. Un hôtel particulier datant du XVIIsiècle vous est alloué. Il est situé de l'avenue de la Couronne, c'est un petit bijou. J'avais pensé l'acheter, et puis j'ai hérité de ce palais. Quand à nos archives, elles vous sont ouvertes. Nos échanges commerciaux et technologiques nous seront à tout deux, j'en suis sur, extrêmement profitable.

Un huissier, visiblement empressé, pénétra dans le salon et interrompit les réjouissances.

- Madame la Grande-Comtesse, j'ai à vous parler. C'est extrêmement important.

- Que faites-vous du protocole ? Pas maintenant Pazcal.

- Madame, je suis navré d'interrompre votre repas mais permettez moi d'insister....

- Ah, il suffit, taisez-vous ! Ce personnel est lamentable, je ...

Le courageux huissier prit le risque d'interrompre sa souveraine plutôt que de subir sa litanie habituelle de reproches.

- Madame, nos troupes ont conquis cet après-midi l'Edredonie.

Il y eut un grand silence dans le salon. To Bohn Jöt manqua d'avaler de travers, tandis que la Grande-Duchesse cherchait visiblement à s'exprimer en vain.

- Vous .. que ... Que dites-vous ?

- Le Prince-amiral Zabrücksi a pris seul la décision sans en référer à personne d'attaquer l'Edredonie avec la première flotte. Ses fusiliers-marins ont conquis la région et l'ont renommés Ludwigstein. Le Prince est annoncé dans les jours suivants à Whilelstaufen.

- .... Mes Dieux ! Quel homme !

Et Marialyn s'évanouissa.