Un retour inattendu ...

La foi donnait des ailes, et un homme aussi pieux qu'Alexander Lemberg le savait et l'avait éprouvé.

Plus personne ne pleurait le défunt Alexander hormis son épouse inconsolable. Trois ans s'étaient écoulés depuis l'attaque de l'Inzubmerzible par les sadiques et sanguinaires pirates sorabes. Le jeune homme avait assisté à tout. Au rapt des passagers, aux violences commises contre eux, aux assassinats exécutés de sang froid.
Resté à bord du navire, Alexander avait été canonné. Le navire avait coulé et Alexander avait vu son heure arrivé. S'agrippant à un débris du navire, il avait dérivé pendant de longues heures et s'était entièrement confié aux Dieux.
Pendant plusieurs jours, il avait dérivé, sans manger et sans boire, il avait au troisième jour contracter une sorte de pneumonie. Délirant et bredouillant, il avait commencé à lâcher prise, pleurant pour sa femme et pour ses amis de Zotterdam. Et puis, soudainement, sa tête avait heurté quelque chose de dur; un galet.

Alexander avait échoué en Sorabe. Son parler belondaure était si médiocre que les pirates l'emprisonnèrent immédiatement. Au bord du desespoir, il avait été conduit au bagne où on lui apprit l'évacuation toute récente des prisonniers zollernois.

Alors qu'il était promis à l'esclavage à vie, perdu dans la noirceur de sa cellule, il avait songé à se suicider. Le lendemain, il était revenu à lui et avait renouvelé sa confiance aux Dieux, persuadé qu'ils compatissaient et qu'ils intercéderaient pour lui. Après un an de travail dans les arsenaux militaires de l'ile, il fut employé dans la campagne souabe comme laboureur.

La liberté était plus grande, et ces braves paysans n'étaient pas dans le fond de mauvais bougres. Leur fille se montrait d'ailleurs particulièrement rougissante quand elle voyait travailler Alexander torse nu avec ses muscles de bagnard brillants de sueur.

Priant chaque jour, malgré le désert spirituel de l'ile, Alexander fut exaucé. Un soir, le paysan entra chez lui, le remercia pour son labeur, s'avoua décontenancé par sa joie d'etre zorthodoxe, et sortit de la pièce sans verouiller la porte.

Bénissant le pécheur qui avait choisi de faire le bien, Alexander sauta sur l'occasion. Il s'enfuit dans la chaude nuit sorabe. Parvenu à la cote sud, il confectionna un radeau de fortune et se lança à la mer. Il visait Prya.

Il revécut alors son calvaire. Priant, délirant, il erra sur la Mer Océane. Le dixième jour, il entrevu par ses yeux boursouflés des rivages. Trop faible, il ne put rien tenter pour accoster. Deux jours plus tard, il heurtait à nouveau un rivage. Renaissant, il explora sa destination et hurla de frustration. Il était de retour en Sorabe.

Après plusieurs jours de mendicité, il conclut un plan pour rentrer en Zollernberg. Minutieusement, il échafauda un plan, il ne s'agissait pas de foncer à la mer comme autrefois. Guettant l'occasion, il vola un petit canot.

Armé cette fois-ci d'une carte, il implora encore les Dieux qui n'abandonnaient jamais leurs enfants souffrants. Après plusieurs jours en mer où Alexander, encore une fois, connut la souffrance, il fut recueilli par un paquebot belondaure. Il tomba dans les bras du Capitaine et pleura de joie quand il lui annonça la destination de son bâtiment: Zozolulu.

Harassé de fatigue, Alexander s'effondra comme une masse sur sa couchette. Il dormit vingt heures. A son réveil, il entendit les mouettes. Se levant brutalement, il reconnut la masse sombre et familière de Zozocatepelt. Sur le quai, son regard croisa celui, métallique, de la statue du Prince August Molenkopv von Zabrücksi.

Alexander tomba à genoux, les mains jointes vers le ciel.

Il allait revoir Juliette. Il était rentré.

Alexander prit le train pour Zotterdam. Il était heureux que sa femme ne l'ait pas oublié et qu'elle semble lui porter encore les plus tendres sentiments, mais quelque chose, de toute évidence, n'allait pas.
En arrivant chez lui, il trouva sa femme mais aussi un autre homme à son domicile. L'affaire était simple. Alors que Juliette, pour son plus grand bonheur avait commencé à fréquenter l'eztablishment, la disparition de son mari l'avait renvoyé au domicile paternel. Celui-ci bien qu'aimant beaucoup Alexander avait pressé la jeune veuve de se remarier.
Séduisante jeune femme, jouant du piano à la perfection, elle n'avait pas eu de mal à trouver des prétendants pour son plus grand malheur, elle qui ne pensait qu'à son défunt époux.
Un homme, bon bourgeois avait obtenu sa main et un mariage était prévu. Alors que son épouse s'était jeté dans ses bras en pleurant toutes les larmes de son corps, cet homme avait émis le voeu de garder pour lui Madame Lemberg. Alexander avait donc défié en duel le goujat. Après quelques moulinets maladroit, le malotru avait jeté son arme et s'était retiré.
Rayonnant de bonheur, le jeune couple avait retrouvé le bon vieux temps et, pour un temps, le miraculé et sa femme s'étaient laissés aller à des réjouissances de jeunes mariés.
Une bonne chose ne venant jamais seule, Alexander reçut le lendemain un courrier du ministre l'élevant au rang de gouverneur du Silverstein. Dans la journée, la très séduisante jeune femme, et le beau et brillant jeune homme avait déménagé dans leur logement de fonction et bien vite toute la notabilité et les autorités de la province firent le siège de leur nouvelle demeure.