Arrivée à Wihelstaufen et visite au Ministère

Les festivités de la veille avait laissé à Julius un excellent souvenir du Zabruck, les zollernois connus pour être les troubles fêtes formalistes du Micromonde avait montré lors des soirs de la Zollfest qu’ils savaient être un peuple accueillant, ouvert et convivial. Julius et son ordonnance rentrèrent à l’hôtel alors que les premières lueurs du jour commençaient à poindre. Leurs camarades de beuveries, des officiers en garnisons regagnèrent leurs cantonnements en même temps.

Le temps de dormir quelques heures et les deux hommes quittèrent l’hôtel pour gagner la gare de Zollenheim. Le temps du voyage permit aux deux hommes de terminer leur nuit agitée. A leur réveil, ils avaient gagné Wihelstaufen, la capitale cosmopolite du Grand Duché ou Julius était arrivé, un an plus tôt dans un climat électrique.

C’est sur le parvis de la gare que les deux officiers se séparèrent. Kageneck désirait retrouver sa famille dans la banlieue de la capitale. Après une bière dans le buffet de la gare, Julius laissa partir son ordonnance après avoir convenu de se retrouver quelques jours plus tard.

Julius regagna lui aussi son petit appartement ou rien n’avait bougé. Siegfried, son grand frère, avait veillé à ce que le loyer soit payé. Ce dernier avait d’ailleurs laissé une courte lettre sur le buffet du séjour ou il lui expliquait rapidement ce qu’il avait fait et lui enjoignait de le contacter à son retour.

Là, Julius put prendre un bain, se raser convenablement et endossa son uniforme de Major-général. Correctement apprêté, il prit la route du bureau de la Prévôté pour se faire refaire des papiers d’identité en bonne et due forme. C’est après cela que l’officier général se décida a rejoindre le Ministère des Affaires Extérieures pour se présenter, faire son rapport – bien que celui-ci avait déjà du être fait par le transfert des informations du Zabruck et le retour d’informations du gouverneur von Felgenheim – mais surtout se mettre à la disposition de l’Armée et demander une nouvelle affectation.

L’entrée en matière du Ministre fut pour le moins rude. Il ne connaissait pas ce nouveau ministre, deux gouvernements avaient eu le temps de se défaire depuis son départ pour Zollenheim. L’homme était d’allure sympathique, bien plus que ne l’était le Gouverneur du Zabrück qui lui relevait plus du rustre.

Au garde à vous sans que le Ministre ne lui intime l’ordre de se mettre au repos, Julius porta la main droite à sa tempe exécutant un salut militaire impeccable puis répondit :

- Votre Excellence, je reviens de Zollenheim après avoir regagné le Zollernberg. J’ai eu quelques mésaventures avec des merxistes dans le Krassberg qui m’ont malheureusement empêché de mener la campagne du Nordenmark. Sans commandement, je suis revenu me mettre à la disposition de Votre Excellence et de Son Altesse. Je n’ai émis aucun desiderata quant à mon affectation pour l’heure mais suis prêt a aller ou vous jugerez utile de me l’ordonner.

Julius avait rapidement entendu parler de la ligne Gatline, une ligne de défense sur la frontière ouest du pays qui longeait le Krassland. Des villageois du Krassberg avaient évoqué ça et là la nouvelle de l’édification d’imposantes défenses sur la frontière zollernoise, rien de plus. Il n’avait pas envisagé d’en prendre le commandement et ce pour une bonne raison : il ignorait l’existence même de ce dispositif défensif jusqu’il y a encore quelques semaines. Mais peut être était-ce une perche tendue par le Ministre ? Ce qui était dit était dit, il valait mieux jouer la sûreté et laisser le Duc dire le fond de sa pensée.

La dernière fois que Julius avait vu un ministre de la Guerre, c’était un conservateur de la pire espèce. L’ouverture d’esprit de celui-ci forçait le respect, il faut le dire. Toujours au garde à vous, Julius considérait que le Ministre avait peut être oublié de le mettre au repos, les manières du Duc montrait clairement que ce n’était pas un homme d’armes et l’oubli n’avait peut être rien d’une manifestation de force. Et puis… il était général… Il prit progressivement une position plus détendue en écoutant son interlocuteur. Lorsque celui-ci eut terminé, un ange passa, Julius voyait là l’opportunité de pouvoir pousser la discussion plus loin qu’une simple perception d’un ordre de mission. Il mit ses pensées en ordre puis répondit :

- Nous avons changé de façon de penser en bien peu de temps. Alors que la rumeur persistante d’une guerre contre le Krassland était d’actualité alors que je partais pour Zollenheim, j’ai eu la surprise de découvrir cette ligne de défense à mon retour. Je pense aussi que cette ligne de défense est militairement peu utile. Le Krassland dispose d’une technologie militaire aérienne plus avancée que la notre. Les Superdahus krasslandais peuvent couvrir de grandes distances et leur vitesse les mettent à l’abri de notre défense anti-aérienne. La capitale pourrait être atteinte depuis Krassfurt en moins d’une heure. Rien ne nous dit si l’armée krasslandaise ne dispose pas de transports de troupes aériens, mais si c’est le cas, la ligne Gatline ne représentera aucune garantie de défense contre une attaque aéroportée.

Les deux hommes se regardèrent un instant, Julius indique de la main un des sièges devant le bureau du ministre :

- Hum… vous permettez ?

Le ministre laissa l’homme s’asseoir qui reprit :

- L’artillerie de longue portée peut être toutefois une garantie de dissuasion, un obus ne peut être intercepté comme pourrait l’être un missile krasslandais mais ils disposent de la précision en moins. Les alliés des krasslandais n’approuveraient pas d’attaques sur des objectifs non-militaires de notre pays, quand bien même nous déclencherions cette guerre nous même. Mais nos canons peuvent, sans le vouloir détruire des écoles, des hopitaux et dévaster des quartiers d’habitations civiles. Ce qui serait assez mauvais pour l’image de l’armée zollernoise en guerre. Mais cette ligne est un avantage politique. Notre population croit en son invulnérabilité et en son coté protecteur. En soi, elle est la limite entre deux civilisations. Sans tomber dans la mauvaise propagande nationaliste, sans la remettre en question, maintenir les ouvrages existants, lui donner des effectifs optimum pour la garder en marche évitera a votre gouvernement d’être traité de laxistes en matière de défense. Mais le salut de notre armée est clairement ailleurs.

L’exposé commençait à être long, il marquait donc de courte pauses entre chacun des axes de son propos, assez long pour marquer la césure, trop courts pour indiquer qu’il avait fini.

- Notre armée est professionnalisée et nombreuse, elle dispose de ses soutiens de l’Empire zollernois et cela fait de notre armée, malgré ses retards technologiques, une des premières du monde. La mise en service des mitrailleuses dans notre armée et le développement d’une force aériennes montre notre capacité d’adaptation. Je pense que la mutualisation des connaissances techniques doit être un axe de travail pour optimiser nos forces armées. La Maurésie dispose de nombreuses techniques analogues a celles de nos ennemis, son armée est importante et techniquement intéressante. Mon père a dirigé la DNEM, la Direction Nationale de l’Equipement Militaire maurésienne, un organe public en charge de la recherche appliquée aux armées. Un établissement de ce type regroupant nos ingénieurs militaires pourraient développer des équipements nouveaux et optimiser les anciens. Pour ce qui est de la formation, j’ose croire que celle-ci est bonne. Peut être serait il temps de créer des académies militaires adaptées aux différentes armes pour les distinguer de l’armée de terre, rénover le commandement militaire pour l’adapter aux réalités militaires du moment.

Julius était allé particulièrement loin, il s’arrêta de parler, alors même que ses idées l’emmenait encore plus loin. Il ignorait quelles étaient les projets du ministre pour les armées. Il conclut rapidement :

- Enfin… nous pourrions parler de l’état idéal de nos armées pendant des heures ! Retenons simplement que la remise en cause doit concerner le fonctionnement de l’armée, les équipements actuels ont une charge politique à ne pas négliger et à conserver. Pour le reste, je ne suis qu’un fugitif en retour de cavale, je ne connais pas le programme whigz pour la défense. Quels sont vos projets pour la mandature ?

La ligne Gatline n’aurait donc été qu’une entrée en matière, Julius avait donc bien fait de ne pas répondre trop hâtivement a ce qui n’était qu’un élément de rhétorique.
La proposition du Ministre était intéressante et permettait à Julius de demeurer dans la capitale tout en travaillant pour l’Armée qui avait, il faut le dire, besoin d’être poussée en avant.

- Votre proposition m’honore et je vous remercie de bien vouloir m’associer à cette réforme des Armées qui me tient vraiment beaucoup à cœur. Ceci dit, quel sera exactement le rôle de cette commission ? Si elle n’a pour but de ne faire que des auditions, celle-ci pourrait être gérée par n’importe qui. Qu’envisagez vous ensuite ?

- Vous voulez moderniser l'armée en mettant dans cette commission ceux qui ont bâti la ligne Gatline et qui défendront son usage comme pièce maitresse de notre dispositif militaire ? Mauzer a équipé cette ligne, il avait un intérêt personnel a soutenir sa construction... Si la présence des notabilités de l'armée parait normal, dire que ce rapport final doit être le produit d'un consensus alors même que les militaires qui composeront cette commission ont des visions discordantes de l'Armée risquerait de saborder la commission avant sa naissance... Pour le reste, je me tiens à votre disposition, comme je l'ai déjà dit.